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seront vendus comme esclaves aux Européens.

L’intérieur du continent noir, lui-même, se vidait. À Galam sur le Sénégal, à Baraconda sur la Gambie, à l’embouchure de la Volta, au Bénin, au Gabon et au Congo, des chaînes de captifs arrivaient après soixante à quatre-vingts journées de marche, vers la fin du dix-huitième siècle. Et c’était après trois mois de cheminement que les caravanes d’esclaves du Kordofan et du Darfour parvenaient à Siout, sur le Nil, pour être dirigées de là sur l’Yémen et la Perse.

Une file d’esclaves offre un aspect lamentable d’animaux sous le joug. Une fourche de bois de huit à neuf pieds est rivée par une cheville de fer au cou des malheureux. La queue repose sur l’épaule des nègres qui les précèdent, et ainsi de l’un à l’autre jusqu’à l’esclave de tête dont l’extrémité de la fourche est portée par un des geôliers. La nuit, les bras de chaque esclave sont attachés sur la queue de sa cangue, qu’on appelle le bois mayombé. Les geôliers, généralement des Kroumanes dans le Nord, des Cabindes dans le Sud, sont armés jusqu’aux dents. Au nombre de quatre par section de trente captifs, ils ont à maintenir l’ordre et à empêcher les fuites parmi une troupe de gens vigoureux, captifs enlevés de force, prisonniers de droit commun, assassins et sorciers.

Défiez-vous, pauvres nègres, d’une invitation à boire chez un blanc. D’un coup d’œil, il jugera si vous êtes « pièces d’Inde », et alors, le cajoleur qui vous a amenés, sautera sur vous, avec ses aides et vous poignera. L’invité ne sera plus qu’un esclave.