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corps pour lui rappeler qu’un jour, il ne serait que cendre.

L’élu était un négrier marseillais. Granot était un fort bel homme que la reine avait distingué. Et elle éprouvait pour lui une passion si violente qu’elle le faisait monter sur le trône, dont une gravure de Dapper donne le spécimen. Sous un dais de satin, Granot put ainsi prendre place en manteau de soie à traîne, chaînes d’or et chapeau bordé d’un galon d’or. Il put signer ses actes officiels des titres retentissants de « Mani-Congo, par la grâce de Dieu roi de Congo, d’Angola, de Macumba, d’Ocanga, de Cumba, de Lulla, de Souza, seigneur des duchés de Batta, de Sunda, de Bamba, d’Amboille et de leurs dépendances, de la comté de Songo, d’Angoy, de Cacongo et de la monarchie des Ambondes, dominateur de ce grand et prodigieux fleuve, le Zaïre ».

La royauté avait ses inconvénients. Servir soi-même aux seigneurs de la Cour la soupe et le vin de palme n’était rien. Mais être tenu pour responsable des calamités de la nature avait une tout autre gravité : car le roi était alors sacrifié par ses sujets comme une victime expiatoire. Quelle que fut la cause de l’attentat, Granot mourut assassiné.

Les funérailles d’un roi du Congo avaient la plus grande solennité. Si le christianisme avait aboli le sacrifice volontaire de douze jeunes filles qui réclamaient l’honneur d’être ensevelies vivantes pour servir le défunt dans l’autre monde, les cérémonies, auxquelles assista Degrandpré et qu’il a dessinées de visu, ne manquaient point de grandeur. Une nombreuse assistance défile en