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aux voies larges, coupées de ruelles, étaient bordées, dans la ville, de maisons à auvents et à balustres surmontées d’un étage. Le tout était aussi propre qu’en Hollande.

Beaucoup plus civilisés que leurs voisins, les nègres du Bénin avaient un cérémonial. Personne à la cour n’osait se couvrir d’un habit avant d’en recevoir un de la main du roi ; et aucune femme ne portait de robe avant d’être mariée. Des régétaires, des courtisanes, constituées en République, relevaient des conseillers d’état. Les conseillers étaient des vieillards qui formaient les conseils de la guerre, du commerce et des finances. Aux Européens qui étaient ses hôtes, c’est-à-dire des acheteurs d’esclaves, le roi offrait un séjour gratuit dans les caravansérails construits tout exprès.

Une curieuse gravure de Dapper, contemporaine de Louis XIV, montre ce qu’était le cérémonial au Grand-Bénin, le Versailles de l’endroit. Du palais aux flèches surmontées d’un vol d’oiseau débouchent, instruments de musique, panthères tenues en laisse, nains et bouffons. Derrière le roi, chevauche sa noblesse en bonnets à crinière, boucliers au bras, colliers au cou. Vision toute européenne, que souligne la présence de ducs et capitans au royaume de Bonny tout proche. Et il n’est point difficile de déceler la Cour dont s’inspiraient les noirs du fond du golfe de Guinée, quand on voit gouverner le royaume d’Owhère par le mulâtre portugais Antonio de Mungo. Là, certains nègres, porteurs de chapelets, lisaient le portugais.

Il advint un jour de l’an 1782, que la Charmante