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Un cortège de parents et d’amis le suivait au fond de la tombe, qui était un puits très profond scellé d’une pierre. On la soulevait chaque jour pour demander aux ensevelis s’ils avaient rejoint leur ami et maître. Quand aux questions répondait le silence, on allumait sur la pierre du sépulcre un grand feu.

Trois siècles après, en 1778, au capitaine Landolphe, qui lui rendait visite, le roi de Bénin offrait un spectacle de gala, un sacrifice humain. Deux bourreaux masqués, la robe touchant terre, assommèrent un malheureux après lui avoir fait baiser le fétiche à figure diabolique. Ils lui coupèrent la tête et recueillirent dans un bassin de cuivre le sang de la victime pour en arroser les tombeaux des rois et les filières de corail qui étaient les insignes de la royauté.

Après quoi, le souverain noir se drapa dans la robe de satin blanc à fleur d’or de la garde-robe de Louis XV, qui provoquait son « extase ». — Les blancs sont des dieux pour le génie et le travail, se plaisait-il à répéter.

« Les dieux » devaient se laver les pieds chez le capitaine des guerres avant d’entrer dans la ville royale.

Précédée d’une belle avenue, où l’on était à l’abri du soleil, la capitale, que les Hollandais appelaient le Grand-Bénin, avait cinq lieues de tour, au dire de Dapper. Le palais royal occupait, tout à côté, « autant d’espace que la ville de Harlem, avec de belles galeries aussi grandes que la Bourse d’Amsterdam ». Sur les piliers de bois enchâssés dans le cuivre, étaient gravées les victoires de la dynastie royale. Une trentaine de rues