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maisons. Aussi, quand leurs canots amenaient à bord des esclaves, on sonnait le branle-bas, tout l’équipage du négrier était à son poste de combat, canons braqués, mèches allumées, pour éviter toute surprise. Brue avait installé un comptoir de traite dans l’île des Bissaux, l’une des Bissagos, dont « l’empereur » l’avait reçu en audience solennelle, en pourpoint vert de moire d’argent, les manches ornées de dentelles, et en bonnet de drap rouge en forme de pain de sucre. Après qu’un griot à grelots et sonnettes eût présenté à l’empereur une calebasse de vin de palme, le sacrifice d’un bœuf à l’arbre sacré du lieu scella l’alliance entre Louis le Grand et l’empereur noir.

L’empereur avait des façons de satrape. S’agissait-il de fournir des esclaves aux négriers ? Il faisait sonner le tocsin. À des lieues de distance, s’entendait le son du bombalon, une sorte de trompette marine en bois léger, qu’on frappait de coups rythmés avec un marteau de bois de fer. D’autres bombalons répétaient le signal. En quelques heures, les canots de guerre étaient armés ; et, sur la côte voisine, ils allaient cueillir des esclaves. Parfois en cas de lutte, les insulaires des Bissagos décapitaient leurs prisonniers, dont le scalp venait orner comme un trophée leurs cases. « Ce sont les plus civils des insulaires », disait d’eux André Brue !

Mais c’étaient les Portugais surtout qui exploitaient en « bois d’ébène », l’archipel et la côte voisine. Ils en tiraient, à la fin du dix-huitième siècle, une moyenne de trois mille nègres par an pour alimenter en main-d’œuvre leurs colonies