Page:La Roncière - Nègres et négriers, 1933.djvu/257

Cette page n’a pas encore été corrigée

l’autre portait dans un sac un délivre et un cordon ombilical enveloppés dans des feuilles vénéneuses de mancenillier, tel fut l’étrange spectacle que contempla Seabrook à Haïti. Au pied de l’autel funéraire, des gens de couleur se vautraient en gémissant. L’un, dont le fils était malade, craignait que sa défunte femme attirât à elle l’enfant dans la tombe. — « Que ton fils pende ses vêtements près du sépulcre, râla la nebo d’une voix caverneuse ; qu’il plante six bougies au pied de l’arbre et trois sur la tombe ; et ta femme se tiendra pour satisfaite. — Merci, maman, merci »… Dans quelque cimetière de village perdu de la montagne, après minuit, les femmes vont, dit-on, violer les tombes, après avoir évoqué, pour lui en demander la permission, le gardien invisible du cimetière, le baron Samedi.

En Amérique, lors des soulèvements Caco, ajoute Seabrook, un autre usage macabre était en vigueur. De la graisse des cerveaux des cadavres, on frottait les sabres-manchettes pour donner plus de fil à leur tranchant. Et le cœur séché et réduit en poudre affermissait le courage, suivant la croyance qu’avaient apportée des côtes d’Afrique les Achantis.

Tout cela, culte dahoméen du Vaudoux, pratiques maléfiques de l’Obi, tout cela sera bientôt du passé et restera un lointain souvenir du temps où les gens de couleur se réfugiaient secrètement dans leurs coutumes ancestrales pour y retrouver le fantôme de la liberté. Il appartient à l’histoire de noter ce point d’orgue,