Page:La Roncière - Nègres et négriers, 1933.djvu/254

Cette page n’a pas encore été corrigée

parole, ils jurèrent, une pincée de terre sur la langue et les yeux au ciel, ils jurèrent, en battant leur coulpe, de ne plus se donner la mort.

L’on comprend par là la légende, toujours vivante aux Antilles, qui prête aux morts le don de continuer leur œuvre. Ne voulait-on point, il y a quelques années à peine, montrer à Seabrook des zombis au travail, par la pleine lune, dans des champs de canne à sucre ?

Les zombis ! les revenants ! On y croit dans tout l’archipel. Ne touchez jamais, à la Martinique, aux ossements des morts, aux moun mô. Peut-être leur âme est-elle allée se loger dans une bête gagée, ce qui est une forme de la métempsycose. Mais surtout ces ossements peuvent servir aux jeteux de sorts pour faire des quimbois qui ensorcèlent.

« JETEU DE SORT ET OBÉAH »

La nuit, le jeteu de sorts, le docteur feuille, le bocor, va recueillir les plantes de la jungle qui guérissent ou endorment pour toujours. Il est guidé par les phosphorescences du cucuju ou bête à fé, un scarabée trente fois plus lumineux que notre ver-luisant. Et quelle illumination, dans les bosquets de bambous, qu’un bal de ces lucioles. Mais aussi quelle scène impressionnante pour les créoles, blancs ou nègres. Dans chacune de ces lueurs dansantes, ils voyent l’âme d’un trépassé : et cette ronde de gnomes aux regards clignotants dans une nuit de sépulcre est celle d’âmes éplorées.