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la peau de la dentelle d’un tatouage. Voyez, dans l’ouvrage du docteur Price-Mars, la curieuse cérémonie piaculaire de la secte des Ibos : les Hounsis consacrées aux dieux et vêtues de blanc, le Hougan qui agite sa clochette et les grelots de sa calebasse, avant d’arracher la tête de poules blanches dont il collera les plumes avec leur sang coagulé dans des trous destinés aux mets funèbres : C’est le calalou des morts, le service offert à la sépulture d’un ancêtre dont il faut apaiser le courroux.

Car les Ibos, arrachés à leur pays natal voisin du delta du Niger, croyaient à la vie et à l’action posthume des défunts. Leur foi aux revenants était si profonde qu’ils désiraient le devenir, dès que le négrier les débarquait aux Antilles. Ils se suicidaient de compagnie pour retourner dans leur patrie, quand un planteur de Saint-Domingue mit fin à l’épidémie en coupant tête, nez ou oreille des suicidés. Ainsi défigurés, pensèrent les survivants, les défunts n’oseront se présenter au pays de leurs pères.

— « Attendez, je viens me pendre avec vous, dit à d’autres nègres qui allaient se pendre un colon anglais de Saint-Christophe ; nous irons ensemble dans votre pays natal où j’ai une habitation ; je compte y établir une sucrerie. Vos frères, les pendus, font d’excellent travail, jour et nuit, les fers aux pieds, m’a écrit mon intendant ; ils n’ont de trêve ni le samedi ni le dimanche ; je gagnerai à vous faire travailler de même. » Les nègres se regardèrent tout pantois, effrayés de ces travaux forcés à perpétuité. Et priant Dieu de les réduire en poussière s’ils ne tenaient point