Page:La Roncière - Nègres et négriers, 1933.djvu/240

Cette page n’a pas encore été corrigée

allaient assouvir dans l’ombre de la forêt leurs passions furieuses… Dans les mornes, retentissait le lambi, la conque rose avec laquelle les papalois s’interpellent.

Seabrook avait reçu, de la mamanloi dont il était l’hôte, un charme, un ouanga — un paquet Congo, selon de mot de Wirkus — fait d’un ongle de son pouce, d’une mèche de ses cheveux, d’un petit carré de sa chemise, enveloppés dans des feuilles de baumier et de ricin que timbrait une croix. Invité à faire un vœu, dans la conviction que la vie et les forces de la vie restent enveloppées d’un éternel mystère, le jeune Américain s’écria, les paumes tournées vers le sol : « Puissent papa Legba, maman Ézilée et le Dieu Serpent me garder de donner une fausse idée de ceux-là qui m’admettent à leurs mystères, et m’accorder le pouvoir d’écrire sincèrement et comme il convient de leur religion, car toute foi vivante est sacrée. »

Et Seabrook eut foi au Vaudoux jusqu’à recevoir, dans la chambre du mystère, le baptême du sang des coqs rouges, des tourterelles et du dindon blanc, dont la mamanloi, d’un geste frénétique, avait arraché le cou. Une jeune négresse parut, que salua un chant de mort… À l’instant décisif, comme dans le sacrifice d’Abraham, une bête cornue lui fut substituée. Alors le grand-prêtre du Vaudoux, en latin, reçut le néophyte blanc, le second sans doute des faces-pâles qui eût participé au mystère noir. Il lui répandit de l’eau, de l’huile et du vin sur la tête, lui donnant à boire du sang des victimes, cependant que, sur les murs du hounfort, grimaçaient de