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de semaine sainte, « avec une suite de cent quarante nègres ». Les trois ambassadeurs d’Espagne, horrifiés, s’empressèrent de sortir par une autre porte. En 1655, à Saint-Christophe, les nègres d’Esnambuc, « effroyables comme des démons, jetaient la terreur dans l’esprit du petit peuple » de la colonie anglaise.

La traite n’eut, en France, une existence légale que le 26 août 1670. Ce jour-là, à la requête de Colbert, le Conseil d’État consacra officiellement l’esclavage, en exonérant de l’impôt de 5 pour 100 la traite des nègres en Guinée : « Il n’est rien qui contribue davantage à l’augmentation des colonies et à la culture des terres que le laborieux travail des nègres », disait l’arrêt du Conseil. L’extension de notre empire colonial aux Antilles avait amené le revirement de nos idées humanitaires.

En groupant dans un organisme gigantesque nos petites sociétés coloniales d’Afrique et d’Amérique, du Sénégal, de la Guyane et des îles Antilles, la Compagnie des Indes Occidentales, fondée en 1664, avait rendu solidaires l’un de l’autre l’ancien et le nouveau monde, et assuré au second la main-d’œuvre du premier, une main-d’œuvre abondante, habituée aux chaleurs des tropiques. Un médecin d’Amsterdam, en 1677, légitimait l’esclavage par la malédiction qui frappait les descendants de Cham : Hannemann allait jusqu’à attribuer à la foudre de cette malédiction la noirceur de leur peau !

Mais d’avance, dès 1615, il avait été réfuté par le cadi nègre de Tombouctou dont j’ai parlé. Ahmed Baba, dans une des consultations que lui