de taureau, quand les tambourinaires passaient sur la peau leur pouce enduit de colophane. Une procession sortit de l’ombre, comme la lune, sur la montagne, se levait. Un papaloi marchait en tête, en surplis et en turban, sous une voûte de drapeaux brodés de serpents et de signes cabalistiques. Une mamanloi suivait, en robe écarlate, avec une coiffure de plumes. Un chœur en blanc chantait : « Damballa Oueddo, nous p’vini, Dieu-Serpent, nous voici. »
— « Soleil levé non l’est ; li couché lan Guinea ; Le soleil se lève dans l’est et se couche en Guinée », entonna le papaloi. Un taureau noir surgit, paré pour le sacrifice, des bougies allumées aux cornes, et vint se placer, tout effaré, sous un grand dais au toit de paille. Dans l’ombre, des boucs blancs bêlaient de terreur, comme s’ils eussent pressenti qu’ils étaient condamnés à mort. L’assistance, à genoux devant le taureau sacré comme l’étaient sans doute dans l’Antiquité les sectateurs de Mithra, entonnait des supplications ardentes pour que les dieux africains se contentassent du sang qui allait couler dans le cercueil d’une auge. Le papaloi estoqua d’un coup de sabre-manchette le bouc et d’un coup d’épée le taureau, dont le sang aspergea les épaules, les turbans et les robes blanches des Ménades. Celles-ci dansaient frénétiquement et, assoiffées, buvaient du sang dans l’auge funéraire. Du tourbillon, des individus émergeaient par bonds, comme frappés de la foudre par la descente en eux des lois, des esprits divins, des Saints. D’autres, la tête rejetée en arrière dans une saturnale échevelée, les appétits sexuels déchaînés,