Page:La Roncière - Nègres et négriers, 1933.djvu/232

Cette page n’a pas encore été corrigée

dont elle avait étalé sur le sol inondé de sang les entrailles fumantes.

En dépit du secret dont était entouré le rite mystérieux qui se déroulait à l’abri de tout œil profane, l’historien de Saint-Domingue, Moreau de Saint-Méry, en eut connaissance. Et voici comment, en 1797, il le décrit : Le corps ceint d’un mouchoir rouge, les pieds dans des sandales, les initiés se rassemblent autour d’un autel, sur lequel est déposé, dans une caisse à claire-voie, un serpent, le Vaudoux. Un grand-prêtre et une grande-prêtresse, le roi et la reine, officient : le roi a le front ceint, comme diadème, d’un mouchoir rouge ; la reine a une écharpe ou une ceinture de même couleur. Ils seront les truchements de la couleuvre sacrée, à qui les affiliés viennent rendre hommage, en déposant au pied de l’autel leurs offrandes. Connaissance du passé, science du présent, prescience de l’avenir, tout appartient au Vaudoux. Et voilà que le roi, l’air inspiré, saisit la boîte ou gît le python, la place à terre et fait monter sur elle la reine. Aussitôt pénétrée de l’esprit du dieu, la pythonisse vaticine, le corps tordu dans un état convulsif : « Tantôt elle flatte et promet la félicité, tantôt elle tonne et éclate en reproches et, au gré de ses désirs, de son intérêt ou de ses caprices, elle dicte comme des lois sans appel tout ce qu’il lui plaît de prescrire. » Le sang tout chaud d’une chèvre scellera sur les lèvres des assistants la promesse de ne rien révéler, sous peine de mort.

Un récipiendaire se présente, un paquet de crins, de cornes ou d’herbes à la main. Il est introduit dans le cercle magique que le grand-