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dans le golfe Persique. Les pirates viennent de disparaître à l’horizon. Monfreid entre en chasse, la grande voile portant plein. La nuit s’est faite. Pourtant, à l’accore d’un récif, il distingue un boutre au mouillage : c’est le négrier. Monfreid approche : il a fixé, en guise de torpille, un rouleau de dynamite à une longue perche ; il l’amorce d’un bickford qu’il allume. Et vingt secondes plus tard, une détonation sèche retentit : le boutre éventré sombre, pendant que les Soudanais se jettent à la nage, malgré les chaînes qui les lient deux à deux par les jambes. Les esclaves sont délivrés ; et ce sont les pirates aux longs cheveux bouclés qui sont, à leur tour, mis aux fers. Ainsi un paisible Français s’improvisa justicier, il y a quelques années à peine, dans la mer des Pharaons.

Si la traite n’était plus qu’un vain nom, que serait-il besoin de proclamer son abolition, comme il a fallu le faire, en 1930 encore, dans la Gambie, la Somalie et le Nyassaland, ou de pourchasser les négriers, comme ont dû y procéder, en 1932, les troupes britanniques du Kenya ? Au Nil Blanc, on a même dénombré les esclaves. Et l’oasis de la liberté de la race noire, Libéria, — était-il dit dans un memorandum américain à la Société des Nations, — tolérait certains recrutements « à peine distincts des razzias et de la traite des esclaves ».