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sévissent les Rougas-Rougas, les marchands d’esclaves arabes.

LA CHASSE AUX NÉGRIERS DE LA
MER ROUGE

De l’autre côté de l’Afrique, à la frontière abyssine, des Arabes avilis font main basse sur les négroïdes bertas avec tous les raffinements de cruauté de la traite antique… Henry de Monfreid apercevait, un jour de 1916, un nègre cramponné à une épave au beau milieu de la mer Rouge. Il le recueillit à bord. Et la nuit se passa à écouter l’odyssée d’un fugitif évadé de la rude livrée de l’esclavage.

Gabré était parti des hauts plateaux de terres rouges qui séparent l’Abyssinie du pays des Somalis. Et il avait gagné avec une caravane les environs du port de Tadjourah. Parfois, l’on voyait filer au large les barques fines et légères de pêcheurs arabes, des zarougs. Une nuit, un grand feu s’alluma sur la plage ; un feu lui répondit dans la montagne où s’était arrêtée la caravane qui se remit en marche vers la mer. Et les esclaves qu’elle menait, s’entassèrent, par vingt ou trente dans les zarougs légers que masquaient deux falaises. Une voile fût étendue sur eux pour les cacher. Gabré allait être vendu en Arabie.

Certain jour qu’il servait de plongeur à bord d’un sambouc monté d’esclaves, il aperçut une dizaine d’hommes de sa race, des Gallas, couchés au fond d’un boutre et voués, comme lui, à la vente aux enchères. Le cœur broyé de tristesse, il les harangua dans leur langue natale et les