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« UN PONT DE BOIS SUR UN FLEUVE DE FEU »

Né citoyen américain, l’homme de couleur ne participait point aux droits que conférait à tous la Constitution. Admissible à tous les emplois publics, il ne pouvait accéder qu’aux plus infimes. Dans un omnibus, dans un restaurant, il ne pouvait s’asseoir à côté d’un blanc. Dans les églises même, il avait une place à part, comme jadis l’avaient les cagots, c’est-à-dire les gens entachés de lèpre, dans la maison de Dieu. Voulait-il déposer son bulletin dans l’urne ? Le vote lui était interdit. Ainsi pour une bonne partie de la population des États du Sud, soudain désaxée, la guerre de Sécession n’avait rien résolu. Au lieu de reconstruire un état social, les vainqueurs, en lui donnant la liberté, s’étaient contentés de « jeter un pont de bois sur un fleuve de feu ».

Une foule d’aventuriers, d’intrigants, de politiciens avaient envahi les États du Sud, sous prétexte de les réorganiser. Mais ces Carpet baggers, comme on les appelait, ces « gens qui ne possédaient qu’un sac de nuit », n’avaient qu’une connaissance superficielle de l’âme noire. Élus d’un jour, ils exploitèrent la situation sans résoudre aucun problème. Aucune fusion n’était possible entre les deux races. En Virginie, en Géorgie, dans tout le Sud, une blanche qui épousait un homme de couleur, était lynchée.

Je n’ai point à écrire ici l’histoire du problème noir aux États-Unis, non plus, tâche plus difficile encore, qu’à prophétiser l’avenir. Si, matériellement,