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mulâtre se vendant plus cher que le noir. La vente à la criée, par tête ou par lots. L’exemple venant de haut, le président Jackson achetant des cargaisons d’esclaves dans le Nord pour les revendre dans le Sud, le branle était donné.

Ainsi la suppression de la traite avait provoqué une révolution sociale. De simple outil qu’on remplaçait par un autre venu d’Afrique, le noir devenait un étalon. — « Un de mes étonnements, écrivait en 1764 le gouverneur de la Martinique, Fénelon, a toujours été que la population de cette espèce n’ait pas produit, depuis que les colonies sont fondées, non pas de quoi se passer absolument des envois de la côte d’Afrique, mais au moins de quoi former un fond, dont la reproduction continuelle n’exposerait pas à être toujours à la merci de ces envois. » Désormais, aux États-Unis, l’intérêt vint au secours de l’humanité. L’excès de travail fut épargné aux négresses enceintes ; la nourriture fut plus abondante. Et « l’élevage » réussit au-delà de toute espérance. Que dis-je ! il allait devenir un danger.

Les gens de couleur étaient, en 1850, plus de trois millions aux États-Unis, et une natalité puissante assurait à leur progression un rythme accéléré dans les États du Sud, où ils se répartissaient ainsi :

Virginie, 460.000 ; Carolines, 630.000 ; Géorgie, 365.000 ; Alabama, 330.000 ; Mississippi, 320.000 ; Louisiane, 200.000 ; Tennessee, 250.000 ; Kentucky, 211.000 ; Arkansas et Missouri, chacun 100.000 ; Texas, 50.000 ; Floride, 22.000 ; en tout, 3.178.055. Dix ans plus tard, ils étaient quatre millions.