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LA MARSEILLAISE DES NOIRS

En Guyane française, la fondatrice des sœurs de Saint-Joseph de Cluny, celle que M. G. Goyau a si heureusement appelée « un grand homme », la mère Javouhey, devint l’apôtre des noirs ; elle l’avait déjà été au Sénégal. Elle groupa au village de Mana 185 noirs, dont elle fit, en les mariant, « des hommes utiles à eux-mêmes, des chrétiens, des citoyens qui comprenaient leurs devoirs civils et religieux ». Émancipés, n’étaient-ils pas aptes, dès 1838, à former un jury ? Et le geste symbolique de leur liberté, c’était, comme ailleurs, de porter des chaussures. Saluons ici le rôle éminent qu’ont rendu à la civilisation les sœurs de Saint-Joseph de Cluny, en fondant partout des écoles pour cette sympathique portion de l’humanité qui a le visage en deuil.

Un Français encore se signala par son attachement aux noirs, un homme austère à la redingote boutonnée jusqu’en haut et au parapluie surmonté d’une tête antique en bronze : Victor Schoelcher. La révolution de 1848 le porta au sous-secrétariat de la marine et des colonies. Et il en profita pour mettre fin par décret à l’esclavage, en bousculant tout avec la chevaleresque étourderie de nos élans nationaux. Car la monarchie de juillet aurait promulgué la même suppression, mais après un apprentissage préalable qui eût épargné les troubles à nos colonies, où plus d’un colon considérait la fin de l’esclavage comme « un suicide politique ».