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cours d’une seule année, plus de 1.600 mariages avaient été célébrés, cependant que les enfants noirs se pressaient dans les chapelles, encore que le culte de l’Obéah, de l’Esprit du Mal, restât en vigueur, nous le verrons, dans un chapitre subséquent. Bref, résumant ses impressions, le digne pasteur concluait dans un transport d’enthousiasme : le bien-être matériel de la population ouvrière, sous le régime de la liberté, a décuplé ; la valeur des biens-fonds ne cesse de croître ; les noirs, partout convenablement traités, sont heureux dans leurs petites propriétés à l’aspect le plus riant.

Gurney avait-il exagéré ? Ou les nègres manquèrent-ils de constance ? Voyez comme il est difficile d’écrire l’histoire. Moins de douze ans après, Casimir Leconte écrivait, tout au contraire, que l’émancipation fut désastreuse pour les colonies anglaises. La Jamaïque est dans un état navrant (en 1852) ; de magnifiques habitations, désertées par leurs propriétaires, sont envahies par une végétation parasite ; plus de la moitié des maisons de Kingston sont à louer.

En Guyane anglaise, même décadence : le nombre des plantations tombait de 404 à 196, le coton d’un million et demi de livres à zéro. Au lieu de peiner dans la culture des plantes tropicales, les nègres, originaires du Sierra-Leone et de la côte de Krou, goûtaient de longs jours de repos dans d’interminables colloques à l’ombre des cocotiers. Plus de supérieurs : une insupportable suffisance ; un vagabondage sans fin ; une rétrogradation très nette des classes émancipées, quelque soin que l’on prît de leur