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qu’un esclave a atteint les marches d’icelui, se faisant baptizer, il est affranchi ». Les nègres nous payaient de retour. Partout où nous faisions escale, au Cap Vert, au rio Sestos, à Cormentin, à la côte des Bonnes Gens, ils nous faisaient fête. « Beaucoup de nègres parlent très bien le français et ont même été en France », écrivait, en 1594, le Portugais Alvarez d’Almada.

CONSULTATION D’UN JURISCONSULTE NÈGRE DE TOMBOUCTOU,
SUR LA LÉGITIMITÉ DE L’ESCLAVAGE (1615)

En l’an 1023 de l’hégire, qui chevauche sur les années 1614 et 1615 de notre ère, les gens du Touat se sentirent étreints d’un étrange scrupule. Ces musulmans, qui n’avaient pas hésité à massacrer, un siècle et quart auparavant, tous les juifs de l’oasis saharienne, se préoccupèrent de savoir si l’esclavage était légitime. Et ils demandèrent consultations sur consultations à un célèbre érudit nègre, qui était cadi de Tombouctou. Aux « flambeaux du Soudan », le cadi Ahmed Baba prodigua ses propres lumières, selon un questionnaire de plus en plus serré :

— L’esclavage est-il légitime ?

— Il est notoire que différents princes du Soudan vivent dans un état d’hostilité presque permanente et opèrent des razzias les uns chez les autres. Il y a des musulmans parmi les captifs ; ils sont libres puisqu’ils professent la vraie religion. Mais tous parlent la même langue : les premiers s’acquittent de l’obligation de la prière,