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Théodore Canot commandait maintenant l’Estrella. Il avait quitté Whydah avec une cargaison d’esclaves, mais sans se précautionner d’un interprète. Et voilà que des suicides se succèdent, que des plaintes sourdent, et qu’un bel après-midi où des groupes d’esclaves sont sur le pont, la révolte éclate. Culbutant la sentinelle, une horde tente de sortir de la cale. D’un moulinet terrible de sa hache, un matelot la tient en respect. Mais les négresses surgissent à leur tour ; c’est une bacchanale où les mutins, armés de bûches, hurlent et ricanent en montrant leurs dents. Canot court au gaillard d’arrière, ouvre le coffre d’armes et tire aux jambes avec des carabines chargées à chevrotines. Les salves se succèdent. Les mutins sont refoulés dans l’entrepont, tandis que les femmes sont chambrées sur le tillac. Le cuisinier verse des flots d’eau bouillante par les caillebotis du pont. La sédition est matée. Mais à l’horizon, où s’amassent des nuages menaçants, apparaît un croiseur britannique. L’Estrella prend chasse ; tandis que l’équipage « vit au-dessus d’un volcan », le négrier se couvre de voiles malgré l’ouragan qui éclate. Et il parvient à s’échouer et à mettre à terre la plus grande partie de sa cargaison, avant d’être rejoint. Les Dahoméens qu’il portait, furent écoulés à la Jamaïque.

Théodore Canot cherche à nous faire illusion sur son triste métier, par le joli tableau, par exemple, d’une chorale au milieu des flots : Réunis sur le pont par temps calme, « les hommes, les femmes, les jeunes filles et les jeunes garçons sont autorisés à chanter ensemble des mélodies