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de Gallinas à celle de San Pedro, un territoire de 130 milles de long sur 40 de profondeur. Il en coûtait à la société une demi-douzaine de mousquets, une douzaine de fusils, vingt miroirs, des barils de poudre, des pots et des barres de fer, quatre chapeaux, trois paires de souliers, une boîte de pipes, quatre parapluies et quelques vétilles. Moyennant quoi fut fondée la République de Libéria.

Une chapelle de chrétiens baptistes remplaça, pour les hommes de couleur venus des États-Unis, « le buisson du grand diable ». — « Le grand diable » était un patient, condamné à boire deux gallons, — environ huit litres, — d’une liqueur empoisonnée, lorsqu’une calamité s’abattait sur le pays. S’il les rejetait incontinent, il était réputé innocent ; sinon, il devenait une victime expiatoire que les noirs rouaient de coups de couteau et de coups de bâton.

Sous l’impulsion de l’Americain Colonization Society, l’exode des gens de couleur libérés d’esclavage s’accentua vers Libéria. Rien de touchant comme le départ de certains nègres de notre vieille colonie de la Louisiane. Du pont du navire qui les emmenait en Afrique, ils ne cessaient de crier à leurs camarades restés en service : « Fanny, prenez soin de notre maître. — Jacques, ayez soin de notre maître bien-aimé[1]. »

Les débuts de la colonisation furent pénibles. Les jeunes nègres de Pennsylvanie, qui s’établirent

  1. The Louisiana historical quaterly, janvier 1933.