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se fit marchand d’esclaves, avec l’approbation de Las Casas, un religieux pourtant. L’historien des Indes, le P. Maffei, en donnait la raison : « Les esclaves, transportés des sablonnières de l’Éthiopie aux terres grasses de Portugal et de leurs petites cassives et logettes à Lisbonne, par la seule fréquence de la ville, étaient peu à peu instruits à l’humanité et, ce qui était beaucoup plus excellent, ils étaient par là imbus des mystères de la religion chrétienne. »

En l’an 1576, le missionnaire jésuite Garcia Simoëns évaluait à 12.000 le chiffre des noirs exportés chaque année du Congo : « Ici, écrivait-il, on trouve des esclaves tant qu’on veut, et ils ne coûtent presque rien. À l’exception des chefs, presque tous les indigènes, ou naissent dans l’esclavage, ou sont réduits à cette condition, sans le moindre prétexte. Il en est de même des prisonniers de guerre qui, généralement, sont ou tués et mangés, ou vendus. Après ses victoires, le roi d’Angola cède d’ordinaire à des chefs subalternes des villages entiers, avec faculté de tuer ou de vendre tous leurs habitants. » La vie de l’homme compte si peu qu’on obtient trois esclaves pour une queue d’éléphant.

Aux Espagnols et aux Portugais, qui s’étaient partagé le monde à découvrir et qui s’autorisaient de la bulle de démarcation d’Alexandre VI pour l’interdire à autrui, d’autres nations étaient venues se joindre « pour plonger les Africains dans l’esclavage ». Hawkins fut, en 1562, le premier négrier anglais ; ironie amère, l’un de ses navires s’appelait le Jésus. Et il récidiva, en s’enorgueillissant de ses ruses et de ses violences, au mépris