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Sous le gouvernement de Toussaint-Louverture, Saint-Domingue « renaissait de ses cendres ; l’hydre de l’esclavage reçut les premières blessures, et cette impulsion électrique se communiquait d’un bout de l’île à l’autre », selon les expressions imagées d’un noir, nommé Juste Chanlatte, quand l’arrivée du général Hédouville, puis du général Leclerc remit en question le sort de la colonie insurgée. Les massacres des blancs recommencèrent et avec quelle barbarie ! — « Toi puni moué ; moué puni toué astor » (à cette heure).

Le tortionnaire était Dessalines. Il faut lire les Voyages d’un Naturaliste, de Descourtilz, que sa qualité de médecin sauva des griffes du tigre noir et qui assista, épouvanté et impuissant, aux supplices des blancs. Les uns étaient jetés vivants dans des étuves brûlantes. D’autres, défilant au bruit d’une fanfare de fifres et de tambours, entre deux haies de bourreaux, étaient frappés jusqu’à en mourir avec des branches d’acacia aux épines acérées : « Ça a n’ien, ba li toujours », hurlait Dessalines du haut d’un banc où le gnome s’était hissé. Un sexagénaire, à Saint-Marc, était décapité « et le fils ! contraint, malgré l’horreur d’une pareille monstruosité, à recevoir dans sa bouche resserrée la cervelle fumante de l’auteur de ses jours qu’on lui avait fait poignarder » !

Puis ce furent des exécutions en masse. D’une chambrée où s’entassaient quatre-vingt-huit blancs, Descourtilz fut seul épargné. Les autres victimes, liées deux à deux, périrent lardées de coups de baïonnettes ou « de piquants de raquettes