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Prince la nouvelle de la prise de la Bastille : « Le sang coule, le canon gronde, le tocsin retentit partout et la rage est dans tous les cœurs, écrivait, le 15 juillet, un négociant de Paris. Le peuple se précipite dans les fossés de la Bastille, fait des échelles des épaules les plus robustes, brise la porte. Et bientôt un mouchoir blanc annonce que la Bastille est à nous. »

Par un émouvant contraste, vis-à-vis de cette page où le peuple de Paris célébrait l’ère de la liberté, les Affiches Américaines de Saint-Domingue donnaient le signalement d’esclaves en fuite, avec la marque de leurs propriétaires : Alexandre, Canga, étampé G. Gensac, parti « en marronnage » ; Marthe, Mozambique, étampée Dupuy à Nippes ; Félicité, Sénégalaise, étampée sur le sein droit Cuvily… Et au-dessous, mulets de différents poils, étampés à la cuisse C l b, enlevés de la savane de M. Chambon Lalande.

Mais déjà l’abbé Grégoire saisissait l’opinion par sa Lettre aux philanthropes sur les malheurs des gens de couleur de Saint-Domingue.

Et, le 8 juin 1791, il avait la joie d’écrire à ces gens de couleur : « Amis, vous étiez hommes, vous êtes citoyens. Le décret que l’Assemblée nationale vient de rendre à votre égard, n’est pas une grâce ; car une grâce est un privilège ; un privilège est une injustice, et ces mots ne doivent plus souiller le code des Français. En déroulant aux yeux de l’univers la grande charte de la nature, elle y a retrouvé vos titres ; les caractères en étaient ineffaçables, comme l’empreinte sacrée de la divinité gravée sur vos fronts… Vous avez une patrie ! elle ne sera plus une terre d’exil