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jamais les mener au ciel, eux qui sont sur la terre la cause de tous leurs maux. » Et un soi-disant nègre, le More-Lake, de lui faire écho : « On ne boit pas en Europe une seule tasse de café qui ne renferme quelques gouttes de sang des Africains. »

Avec l’abbé Raynal, avec John Wesley, une campagne anti-esclavagiste se dessinait et gagnait à sa cause les hommes d’état : « Nous nous enorgueillissons de la grandeur de l’homme, écrivait Necker ; cependant, une petite différence dans les cheveux ou dans la couleur de l’épiderme suffit pour changer notre respect en mépris et pour nous engager à placer des êtres semblables à nous, au rang des animaux sans intelligence, à qui l’on impose un joug sur la tête. Serait-ce un projet chimérique que celui d’un pacte général, par lequel toutes les nations renonceraient d’un commun accord à la traite des nègres ? » Non. Dix États de l’Amérique du Nord, à l’instigation des Quakers, avaient donné le branle en proscrivant l’importation des Noirs.

Mais d’autres voix s’élevaient, et non des moindres, pour la maintenir : « L’abandon général de la traite, écrivait un ancien intendant de Saint-Domingue, Malouet, n’opérerait aucun bien en faveur de l’humanité ; car les noirs, en passant de leurs pays dans le nôtre, quittent un despote qui a droit de les égorger, pour passer sous la puissance d’un maître qui n’a que le droit de les faire travailler en pourvoyant à leurs besoins. » Les gens de couleur, qui habitaient Paris, n’étaient point du même avis. Constitués en société,