V. — LES CLUBS DES AMIS DES NOIRS
LA RÉACTION CONTRE LA TRAITE
Sur les honteux marchés de chair humaine, l’opprobre commençait à s’étendre. Sous le règne de Louis XV, de grands seigneurs avaient laissé donner leur nom à des navires négriers, au Prince de Rohan-Guémené, au Prince de Conty, au Pontchartrain, au Marquis de Brancas, à la Duchesse de Grammont… Turgot, en des termes qui étaient une flétrissure, refusa au contraire de laisser baptiser de son nom un navire destiné à la traite.
Dans la réaction contre le sinistre et dégradant trafic de l’homme, la littérature commençait à faire entendre sa voix. Ce fut d’abord celle de l’auteur de Paul et Virginie : « Je ne sçais si le caffé et le sucre sont nécessaires au bonheur de l’Europe, écrivait Bernardin de Saint-Pierre. Mais je sçais bien que ces deux végétaux ont fait le malheur de deux parties du monde. Les nègres ne sçauroient croire que les Européens puissent