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au vin. Ces gens punissent les nègres avec autant d’injustice que de barbarie, subornent leurs femmes et leurs filles, et chassent de la sorte dans les forêts un grand nombre d’hommes laborieux et forts, à qui vous êtes trop heureux de venir demander aussi désagréablement la paix. » En 1761, enfin, la paix fut signée entre les Hollandais et seize capitaines des partis marrons.

Elle fut scellée d’un serment solennel à la mode africaine. On tira, avec une lancette, quelques gouttes de sang d’un Européen et d’un nègre. Elles furent incorporées dans une calebasse d’eau claire à quelques pincées de terre. Tous les délégués en burent, après en avoir répandu à terre, en forme de libation. Puis le prêtre noir, le godeman, les yeux au ciel, les bras étendus, prit les cieux et la terre à témoin, appelant la malédiction divine sur ceux qui rompraient les premiers le traité de paix. — Da so, répondirent les nègres à cette imprécation solennelle, ce qui correspondait au mot : amen.

Les marrons avaient un grand chef nommé Bonny, sans doute du nom de sa tribu. À leurs établissements cachés dans les forêts ou les marais, ils avaient donné les appellations les plus pittoresques : « Je serai réduit en poudre avant d’être pris. — Venez, si vous avez du cœur. — Troublez-moi, si vous l’osez. — Dieu seul me connaît. — Les forêts pleurent. — Cachez-moi, ô vous, feuillages qui m’environnez. » L’une des villes rebelles, bâtie en amphithéâtre sous la verdure, offrait le spectacle le plus enchanteur qu’on pût rêver.

Et voici ce que dit le docteur Tripot d’une tribu