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négrier à l’île Saint-Vincent, l’expulsion des Espagnols de la Jamaïque, en 1655, par les Anglais, libéraient d’esclavage des groupes entiers de gens de couleur qui formaient des troupes assez nombreuses pour se rendre redoutables. Alors s’organisait la chasse aux marrons, ainsi appelait-on les fugitifs du mot espagnol cimarron, qui veut dire « sauvage ».

Dans les montagnes de Bahoruco et dans la plaine du Trou à Saint-Domingue, ils étaient environ trois mille, lorsque fut exécuté, en 1758, leur chef Mackandal. Mais rien ne put terroriser les siens, ni le bûcher, ni l’écartèlement, ni la roue : « Ils endurent les plus cruels tourments avec une constance sans égale, une tranquillité et un courage féroces », écrivait un colon, M. de Sézellan. Dans les cavernes du Morne Bleu, encombrées de fétiches, le nègre Pompée, poursuivi à travers des forêts de « bois à enivrer », ne fut pris qu’après une résistance acharnée.

Ces nègres des bois vivaient pourtant dans une inquiétude qui était peinte sur leur visage ; la crainte les agitait. Au Nifao, dans les montagnes qui sont au nord d’Azua, ils avaient des postes avancés de sentinelles doubles, qui se repliaient d’ajoupa en ajoupa, avec leurs chiens, jusqu’au gros de la troupe. Par contre, ils guettaient longtemps dans leurs embuscades le moment d’agir et d’enlever d’autres nègres dont ils faisaient leurs esclaves, ou des colons dont ils voulaient se venger. L’expédition du capitaine de Saint-Vilmé les délogea un moment et les obligea à errer à l’aventure en se nourrissant de feuilles et de fruits. L’un de leurs chefs, Santiago ou Santyague,