Page:La Roncière - Nègres et négriers, 1933.djvu/149

Cette page n’a pas encore été corrigée

LA MÉSAVENTURE D’UN ROI NOIR

Parfois, dans la cargaison d’esclaves, figuraient, prisonniers de guerre ou autres, des gens de marque. La première femme noire qui parut à la Guadeloupe, écrivait le P. Du Tertre, « avoit un port de reyne et un esprit si élevé au-dessus de la misère de sa condition qu’on voyait bien qu’elle n’avait rien perdu de sa dignité dans sa disgrâce. Tous les autres nègres de sa terre, hommes et femmes, loy rendoient des respects comme à une princesse. Quand ils la voyoient à l’église ou en chemin, ils s’arrestoient tout court devant elle ; ils mettoient les deux mains à terre et s’en frappoient les cuisses, puis les tenoient un moment élevées au-dessus de leurs testes, qui est la manière dont ils rendent hommage à leurs souverains ».

L’on vit de même des Mines se prosterner devant un noir qui débarquait, chargé de chaînes. Un prisonnier de guerre sans doute, vendu à l’encan. Car ils avaient reconnu, aux stigmates de sa face, un prince de leur pays à la côte d’Or. L’adversité n’avait pas tué chez eux le respect.

Le malheureux avait été sans doute victime d’une mésaventure du genre de celle que je vais conter.

Job ben Salomon était le fils du roi du Bondou, en amont de la Gambie. Peul musulman, il avait la dignité d’iman dans son pays, où il avait épousé la fille d’un alfa — ou jurisconsulte — de Tombouctou. Son père l’ayant chargé d’aller