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tout n’est rien, tout s’engloutit dans l’insondable éternité. »

En 1848, paraissait à la Nouvelle-Orléans la première anthologie poétique de gens de couleur. Elle avait emprunté son titre, les Cenelles, au nom du modeste fruit de l’aubépine. Et elle était dédiée


Au beau sexe Louisianais :

Veuillez bien accepter ces modestes Cenelles,
Que notre cœur vous offre avec sincérité ;
Qu’un seul regard tombé de vos chastes prunelles
Leur tienne lieu de gloire et d’immortalité.


Le recueil des poésies de dix-sept hommes de couleur était publié par un ancien élève de notre école Polytechnique, Armand Lanusse, devenu principal de l’Institut Catholique des Orphelins indigents. Il souffrait de la situation humiliée qu’infligeait la couleur de sa peau au lauréat d’une des plus grandes écoles du monde. Et sa préface, pleine de dignité, saluait l’aurore d’une ère de justice : « On commence à comprendre que, dans quelque position que le sort nous ait placés, une bonne éducation est une égide contre laquelle viennent s’émousser les traits lancés contre nous par le dédain ou par la calomnie. C’est donc avec un sentiment plein d’orgueil que nous voyons s’accroître chaque jour le nombre de ceux qui, parmi nous, parcourent maintenant de pied ferme la route si difficile des sciences et des arts. »