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le Régulateur des mondes. Converse avec la mort comme avec une amie. »

Autre littérateur, Ignace Sancho, esclave du duc de Montagu, écrivit des lettres sentimentales, dont se fût honorée la plume d’un Européen.

Tandis qu’il était encore esclave, Juan Fernandez composa des sonnets qu’il publia plus tard, en 1837, à la Havane. Aquinanldo havanero était dédié à la ville de Matanzas, où il revenait après une longue absence :


Autrefois, heureux champ,
De ton état inculte je fus témoin ;
Le voyageur qui parcourait ton sol montueux
Y voyait s’agiter la vigne et le manglier.
En vain, depuis le vieux pont, je cherche.
Tes mangles, tes raisins et le toit de chaume
De la cabane abattue où le montagnard,
Pauvre et oisif, cacha son indigence…


Dans la chapelle tendue de noir où il avait passé sa dernière nuit, Placido, le poète de Cuba autrement appelé Gabriel de la Conception Valdès, condamné à mort pour avoir cherché à provoquer une insurrection parmi ses frères de couleur, composa, en 1844, une admirable prière à Dieu :

« Roi des rois, Dieu de mes ancêtres ! Vous êtes seul mon défenseur ! Mais Il peut tout, Celui qui a donné la vie aux plantes, à la mer ses vagues sombres, au soleil ses flots éblouissants, au nord ses tempêtes glacées !

« Vous pouvez tout. Tout s’éteint ou se ranime à votre voix sacrée. Hors de vous, Seigneur,