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Saluons au passage le chirurgien ou le médecin des plantations. Sa vie est des plus rudes. Gaullieur, au siècle dernier, accompagna l’un d’eux dans ses tournées à Cuba. Le docteur n’avait pas moins de vingt-huit chevaux de selle répartis dans les plantations qu’il desservait. Et il galopait de l’aube au crépuscule, parfois même la nuit quand on l’appelait pour un cas urgent, quand un nègre, par exemple, s’était cassé la jambe. Lui, dans les ténèbres des forêts ou les eaux des torrents, il risquait sa vie.

« La puissance suprême qui veille sur la vertu pour rendre la terre habitable », suscita, parmi les nègres, un homme de bien dont Moreau de Saint-Méry conte ainsi l’histoire. Un noir de la côte d’Or, qui troqua au baptême le 31 mars 1736, le nom d’Alou Kinson pour celui de Jean Jasmin, ayant acquis la liberté, puis la fortune par son intelligence et sa conduite, s’employa corps et biens au soulagement de ses frères. Il fonda la Providence des gens de couleur, où il prodiguait aux nègres du Cap, à Saint-Domingue, la plus généreuse hospitalité. Lui, sa femme, qui était également née à la côte d’Or, et ses nègres, recueillaient dans les rues du Cap les malheureux qu’ils voyaient errer sans asile et sans pain. Un jésuite, le P. Daupley, curé des nègres, était seul à soutenir l’œuvre du philanthrope, qui n’était alimentée que par la quête du Jeudi Saint, lors de l’adoration de la Croix. « J’ai vu, et mon cœur s’en indigne encore, écrivait Moreau de Saint-Méry, j’ai vu s’élever, tout autour de cet hospice, des maisons bâties par le luxe ou par des motifs qui ne font pas l’apologie des mœurs,