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vous voulez savoir de quelle succulente odeur est le boucan de tortue, cuit dans un trou de sable avec des épices et des jaunes d’œuf, lisez le P. Labat. Il n’appréciait pas moins les perroquets à la broche ou en compote, quand ils étaient jeunes, bouillis, quand vieux, ils étaient las de cancaner. C’était de nuit que les nègres allaient à la chasse des diables, oiseaux de proie nocturnes qui se nourrissaient de poissons. Et ils ne se faisaient point faute de grappiller en chemin, pour les mâchonner, des cannes à sucre.

Les poissons non plus n’étaient point à dédaigner, même les coffres, de forme triangulaire, aussi riches en écailles qu’en chair, mais qui étaient fort bons, quand on les servait dans des matatous garnis de cassaves fraîches. Meilleures étaient les assiettes, toutes rondes avec « un petit moignon de queue et un bout de bec qui les empêchait de rouler », et les lunes, rondes elles aussi, mais pourvues sur le dos et sous le ventre, de deux grandes moustaches en forme de croissant. Semblable à la carpe, le capitaine doit son nom à un hausse-col d’écailles dorées ; et le chirurgien, qui rappelle la tanche, à deux arêtes fort tranchantes et plates comme des lancettes placées à côté des ouïes. L’orphy, long comme une anguille, a sur le nez un long avant-bec et sur le corps une peau de couleur bleue. Tels étaient, chasse ou pêche, les délassements, trop rares, des nègres aux Antilles, une halte dans leur vie d’esclavage.

Parfois la nuit, dont les ombres couvraient le secret des rendez-vous, des coups de sifflets se répondaient de la montagne et de la forêt à la