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Royaumont[1] ; mon père était auprès du Roi : il pressait mon départ, par la crainte qu’il avait que l’attachement que j’avais à la Reine[2] ne nous attirât de nouveaux embarras. Lui et M. de Chavigny[3] me menèrent à Royaumont ; ils n’oublièrent rien l’un et l’autre pour me représenter les périls où ma conduite, qui était depuis longtemps désagréable au Roi et suspecte au Cardinal, pouvait jeter ma maison, et ils me dirent positivement que je ne reviendrais jamais à la cour si je passais à Tours, où était Mme de Chevreuse, et si je ne rompais tout commerce[4] avec elle. Cet ordre si précis me mit dans une peine extrême. Ils m’avertirent que j’étais observé et qu’on serait exactement averti de tout ce que je ferais : j’étais néanmoins chargé si expressément de la Reine de faire savoir à Mme de Chevreuse ce qui s’était passé dans la déposition du Chancelier, que je ne me pouvais dispenser[5] de lui en donner avis. Je promis à mon père et à M. de Chavigny que je ne verrais point Mme de Chevreuse : je ne la vis pas en effet ; mais je

  1. Abbaye de l’ordre de Citeaux, à une lieue de Luzarches (Seine-et-Oise). Elle avait été fondée en 1228 par saint Louis, dans un lieu nommé Cuimont, « lequel nous avons décrété, dit la charte de fondation conservée à la Bibliothèque nationale, devoir être à l’avenir appelé Royaumont (Regalem montem). » Le cardinal Mazarin fut abbé commendataire de Royaumont, de 1647 à 1650. Richelieu était venu y présider, en 1635, la conférence à la suite de laquelle furent signés les articles de la réforme cistercienne, dits articles de Royaumont . Voyez l’Histoire de Royaumont de M. l’abbé H. Duclos, 1867, 2 vol. in-8.
  2. Avec la Reine. (1817, 2(5, 38.)
  3. Léon Bouthilier, comte de Chavigny et de Buzançois, né en 1608, mort en 1632. Il avait remplacé, en 1632, son père Claude dans la charge de secrétaire d’Etat des affaires étrangères. Le père et le fils furent disgraciés après la mort du Roi. Voyez ci-après, p. 50, et p. 66, note 1.
  4. Et si je ne rompois commerce. (1817, 26, 38.)
  5. Que je ne pouvois me dispenser. (Ibidem.)