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clure le mariage de Monsieur avec Mademoiselle de Montpensier[1]. Ce temps, qui semblait être destiné à la joie, fut troublé par l’affaire de Chalais[2]. Il avait été nourri auprès du Roi, et était maître de la garde-robe[3] ; sa personne et son esprit étaient agréables, et il avait un attachement extraordinaire pour Mme de Chevreuse[4]. Il fut accusé d’avoir eu dessein contre la vie du Roi, et d’avoir proposé à Monsieur de rompre son mariage, dans la vue d’épouser la Reine, aussitôt qu’il serait parvenu à la couronne. Bien que ce crime ne fût pas entièrement prouvé[5], Chalais eut la tête tranchée[6] ; et le Cardinal, qui voulait intimider la Reine, et lui faire sentir le besoin qu’elle avait de ménager sa passion, n’eut pas de peine à persuader au Roi qu’elle et Mme de Chevreuse

  1. Gaston duc d’Orléans, frère du Roi, né en 1608, mort on 1660, épousa, le 6 août 1626, Marie de Bourbon, duchesse de Montpensier, qui était fille unique de Henri de Bourbon, duc de Montpensier, et de Renée d’Anjou, et qui mourut le 4 juin 1627, cinq jours après avoir mis au monde la grande Mademoiselle.
  2. Henri de Talleyrand, comte de Chalais, né en 1599, était d’une ancienne maison souveraine du Périgord, et petit-fils, par sa mère, du maréchal de Montluc. Il avait épousé, en 1623, Charlotte de Castille, veuve de Charles de Chabot, comte de Charny.
  3. Le fils aîné de la Rochefoucauld, François VII, fut nommé à cette charge en 1672, quarante-six ans après la mort de Chalais.
  4. Chalais aimait « follement la favorite de la Reine », dit Mme de Motteville, tome I, p. 24.
  5. « Pas entièrement » est loin d’en dire assez. Cette accusation, au moyen de laquelle Richelieu, comme va le dire la Rochefoucauld, voulut intimider la Reine, ne fut pas même suivie lors du procès ; la ligue, dont Mme de Chevreuse était l’âme, et qui réunit le duc d’Orléans, le maréchal d’Ornano, le comte de Soissons, César de Vendôme et le grand prieur de Vendôme, n’allait qu’à se défaire du Cardinal. On sait que la Reine eut à comparaître devant un conseil, et que Mme de Chevreuse reçut l’ordre de sortir de France. La duchesse se retira, dans l’automne de 1626 en Lorraine, d’où elle continua la lutte contre Richelieu.
  6. Le 19 août 1626, à Nantes.