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à de petites choses[1], et ce qu’il savait de la guerre convenait plus à un simple officier qu’à un roi.

Le cardinal de Richelieu gouvernait l’État, et il devait toute son élévation à la Reine mère. Il avait l’esprit vaste et pénétrant, l’humeur âpre et difficile ; il était libéral[2], hardi dans ses projets, timide pour sa personne. Il voulut établir l’autorité du Roi et la sienne propre par la ruine des huguenots et des grandes maisons du Royaume, pour attaquer ensuite la maison d’Autriche et abaisser une puissance si redoutable à la France[3]. Tout ce qui n’était pas dévoué à ses volontés était exposé à sa haine, et il ne gardait point de bornes pour élever ses créatures ni pour perdre ses ennemis[4]. La passion qu’il avait eue depuis[5] longtemps pour la Reine s’était convertie en dépit[6] : elle avait de l’aversion pour lui, et il croyait que d’autres attachements ne lui étaient pas désagréables. Le Roi était naturellement jaloux, et sa jalousie, fomentée par celle du cardinal de Richelieu[7], aurait suffi pour l’aigrir contre la Reine, quand même la stérilité de leur mariage1 et l’incompatibilité de leurs humeurs n’y auraient pas contribué. La Reine

  1. Rapprochez des maximes 41 et 569, tome I, p. 46 et p. 248.
  2. II n’étoit pas libéral ; mais il donnoit plus qu’il ne promettoit, et il assaisonnoit admirablement les bienfaits. » (Mémoires du cardinal de Retz, tome I, p. 281 et 282.)
  3. « Deux desseins que je trouve presque aussi vastes que ceux des Césars et des Alexandres. » (ibidem, tome I, p. 227.)
  4. « La fortune des grands de la cour dépendoit de la faveur du Ministre ; les établissements n’y étoient solides qu’à mesure qu’on lui étoit dévoué. » (Mémoires du chevalier de Gramont, 1830, in-8°, p. 19.)
  5. Le mot depuis n’est pas dans les textes de 1817, 26, 38.
  6. Rapprochez de la maxime III et de la 8e des Réflexions diverses, tome I, p. 78 et 301.
  7. Voyez les Mémoires de Retz, tome I, p. 104 et io5, et surtout ceux de Mme de Motteville, tome I, p. 28 et 29.