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pas le cardinal Mazarin à le traiter mieux qu’il ne me traitait, et il eut le déplaisir de se voir dédaigner de celui qu’il croyait son parfait ami, après que le plus cruel de ses ennemis, postposant la haine à l’estime, lui avait confié un si grand intérêt, et lui avait donné une si notable occasion de gloire.

Avec tout cela, il ne me pouvait encore entrer dans l’esprit que le Cardinal osât me manquer pour le tabouret, et quand on m’écrivit qu’on parlait de l’accorder à Mme la comtesse de Fleix, j’en écrivis au Cardinal, comme ne doutant pas qu’il ne me tînt parole. Je ne laissai pas néanmoins de le faire souvenir de l’avantage que j’avais sur tous les prétendants, aussi bien que des assurances qu’il m’avait données de le faire valoir, et je ne voulus point que le défaut de sa mémoire servît de prétexte ni de couverture à celui de sa foi ; mais cette circonspection se trouva fort inutile. L’impudence ne fut pas moindre en ce grand ministre que l’iniquité : il m’empêcha d’avoir, même après un autre, ce qu’il m’avait promis que personne n’aurait qu’après moi, et, bien que toutes mes affaires fussent à Paris, il ne me fut pas même permis d’y aller qu’à la charge que je ne parlerais point de celle-là. Je n’avais pas toutefois achevé ma première journée que je ne me vis que trop bien dispensé de cette condition ; car j’appris que ce dernier tabouret avait été suivi de six ou sept autres, et qu’ainsi je ne devais plus espérer de justice, puisque, par la qualité et par le nombre des sujets qu’on m’avait donnés de la demander, on s’était déjà ôté la puissance de me la faire. Aussi ne prétendis-je plus d’autre satisfaction