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que toute la cabale de Mme de Chevreuse eût un rendez-vous, et où la ruine du Cardinal ne pouvait pas manquer d’être résolue. Alors, ne doutant plus d’avoir trop de quoi faire mon procès, ils me reçurent la première fois à une défense régulière, afin de tirer de ma bouche ma condamnation ; mais le malheur voulut pour eux que, n’ayant découvert que mon innocence, ils n’eurent à condamner que leurs propres soupçons, et leur confusion les troubla de sorte qu’ils s’engagèrent à dire que j’allais être mieux à la cour que je n’aurais jamais été. Leurs libéralités ni leur confiance ne m’en témoignèrent pourtant rien. On pensa que c’était assez de me représenter que, pour lors, la Reine n’avait quoi que ce soit à donner, ni à dire ; car, de récompenser pour moi des offices de la couronne, et de m’en communiquer les secrets, on me croyait trop raisonnable pour le désirer, et pour m’aller souvenir qu’il y avait huit ans qu’on avait commencé à me juger digne de l’un et de l’autre.

J’avoue que ma patience fut plusieurs fois tentée de se rebuter, et que je me fusse, dès l’heure, soulagé l’esprit, si l’état de ma famille m’eût permis de suivre mon inclination ; mais l’intérêt de ma maison ayant étouffé toute ma colère, je me résolus encore à voir le succès des belles promesses dont j’étais flatté ; et pour faire que les faveurs trouvassent en moi les dispositions nécessaires à les recevoir, je m’abstins, autant que l’honneur