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Je ne présume pas assez de ma vertu pour oser répondre que j’aurais haï le cardinal Mazarin, quand il m’aurait aimé ; peut-être qu’il eût fait des choses pour mes intérêts qui m’auraient déguisé tout ce qu’on lui a vu faire contre ceux de l’État, et une mauvaise honte me ferait possible périr dans une mauvaise cause où des obligations signalées m’auraient engagé insensiblement. Je consens donc qu’il die que je serais son ami, si mon malheur avait voulu qu’il eût été le mien ; que j’aurais défendu ses crimes, s’il y avait eu lieu de croire que je m’en fusse prévalu, et qu’enfin j’aurais pu commettre de grandes injustices, de peur qu’il ne me semblât que j’eusse commis de grandes ingratitudes. Mais que peut-il conclure de tout cet aveu ? Fallait-il que je me sacrifiasse pour lui, parce qu’il n’y avait rien à quoi il n’eût été capable de me sacrifier ? Devais-je mon épée à l’affermissement d’une autorité que je n’ai connue, en mon particulier, que par les dommages que j’en ai reçus ? Et serai-je un ingrat et un traître pour n’avoir pas pris, contre ma patrie et contre mon Roi, le parti de celui qui causait ma ruine aussi bien que la leur ? Sans mentir, si l’honneur et la conscience veulent qu’on se dévoue au salut de ses oppresseurs et de ses tyrans, c’est