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nances. Ces promesses si étendues et données en termes généraux faisaient tout l’effet que le Cardinal pouvait désirer. Elles éblouissaient et rassuraient Monsieur le Prince et tous ses amis[1]. Elles confirmaient le monde dans l’opinion qu’on avait conçue de l’étonnement[2] du Cardinal, et elles faisaient désirer sa conservation à ses ennemis mêmes, par la créance de trouver plus aisément[3] leurs avantages dans la faiblesse de son ministère que dans un gouvernement plus autorisé et plus ferme[4] ; enfin il gagnait avec beaucoup d’adresse le temps qui lui était nécessaire pour les desseins qu’il formait[5] contre Monsieur le Prince[6].

  1. « Le Cardinal, dont l’esprit étoit plein de lumières, et qui savoit se tourner de plusieurs côtés, fit parler à Mme de Longueville par quelques-unes de ses confidentes. Il l’assura qu’il vouloit être de ses amis, et que, pour acquérir ses bonnes grâces, il vouloit faire tout ce qui seroit possible pour la satisfaire. La proposition fut reçue agréablement. Elle ne travailloit que pour avoir du crédit, et croyoit en pouvoir espérer par cette voie. Le duc d’Orléans et le prince de Condé souhaitoient chacun pour soi une grande puissance. Mme de Longueville et le prince de Conty vouloient aussi en leur particulier avoir part à la faveur. Tous, par l’état où étoit le Ministre, prétendoient mieux faire leurs affaires avec lui qu’avec un autre… Le Cardinal, plus fin que tous les autres, pour gagner du temps, travailloit lui-même à les persuader par ces mêmes raisons qui paroissoient lui être si contraires, et leur faisoit dire, par des gens qui paroissoient être de leurs amis, qu’il leur étoit à tous plus commode de le laisser jouir des avantages que sa faveur lui donnoit, puisqu’un autre que lui en useroit avec plus de hauteur. » (Mme de Motteville, tome III, p. 54 et 55.)
  2. De la crainte et de l’étonnement. (Ms. H, réd. 1.)
  3. Elles faisoient même désirer sa conservation à ses propres ennemis, croyant plus aisément trouver, etc. (Ms. H, rèd. 1 et 2.)
  4. * Dans un gouvernement plus ferme et mieux réglé. (Ms. H, réd. 1.)
  5. * Il gagnoit par là, avec beaucoup d’adresse, tout le temps qui lui étoit nécessaire pour tous les desseins qu’il pourroit former. (Ms. H, réd. 1 et 2.)
  6. On sait quelle était la devise de Mazarin : « le temps et moi, » avait-il coutume de répéter