saveur particulière au fruit dérobé et par l’attrait d’une confession en quelque sorte surprise. À l’apparition du livre de Retz, l’autorité s’émeut, comme en présence d’un crime d’État ; celui de la Rochefoucauld, en se débitant presque sous le manteau, comme une gazette à la main, allume également de vives colères, à commencer par celle du duc lui-même. L’un et l’autre ouvrage enfin se voit dénoncé et poursuivi comme objet de contrebande.
Ce n’est, on le sait, que très-tardivement qu’on a rétabli le texte authentique des Mémoires de Retz ; une restitution n’était pas moins nécessaire pour l’intégrité de l’œuvre de la Rochefoucauld : la gloire littéraire de l’auteur des Maximes y était, comme nous allons le montrer, intéressée au plus haut degré.
I
Les Mémoires de la Rochefoucauld, lui-même nous l’apprend[1], ont été composés en deux fois ; toute la partie relative aux troubles de la Régence (1643-1652) date de la retraite du duc à Verteuil, entre 1654 et 1659 ; la relation des dernières années du ministère de Richelieu (1624-1643) n’a été écrite que postérieurement, c’est-à-dire après le retour de l’illustre factieux à Paris. Pour ce travail, comme pour celui des Maximes, dont il s’occupa toute sa vie, la Rochefoucauld prenait volontiers conseil de ses amis. Nous savons, en effet, par Segrais[2] qu’il avait envoyé une copie de ses Mémoires à Arnauld d’Andilly[3], afin que ce dernier « y fît des corrections, particulièrement sur la pureté de la langue. » Le comte de Brienne, ayant obtenu la permission de les lire chez Arnauld d’Andilly, en fit, à l’insu de celui-ci, une copie, qu’il porta lui-même à Rouen chez l’imprimeur Barthelin. Barthelin mourut avant que l’édition fût achevée, et sa veuve ne put la mettre en vente. Le duc de la Rochefoucauld, qui avait appris,