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Il y eut un combat assez opiniâtre dans le village de Vitry[1], où Nerlieu fut tué ; le convoi passa, et, comme cette action dura quelque temps, tout Paris en prit l’alarme, et plus de cent mille bourgeois sortirent pour nous recevoir[2]. Ce succès, qui n’était d’aucune importance, fut reçu de ce peuple préoccupé comme une victoire signalée, qu’il voulait devoir à la seule valeur du duc de Beaufort, et il fut conduit comme en triomphe jusqu’à l’Hôtel de Ville, au milieu des acclamations d’une foule innombrable de monde.

Peu de temps après, le marquis de Noirmoustier sortit avec sept ou huit cents chevaux et quelque infanterie, pour escorter un grand convoi qui venait du côté de la Brie. J’allai au-devant de lui avec neuf cents chevaux, pour faciliter son passage, que le comte de Grancey[3] voulait empêcher avec pareil nombre de cavalerie et deux régiments d’infanterie. Nous étions à une demilieue l’un de l’autre, le marquis de Noirmoustier et moi,

  1. A trois kilomètres à l’ouest de Villejuif.
  2. Retz (tome II, p. 218) dit de même que le convoi, qui venait d’Etampes, « rentra dans Paris, accompagné — de plus de cent mille hommes, qui étoient sortis en armes au premier bruit qui avoit couru que M. de Beaufort étoit engagé. » Le Journal du Parlement (p. 71) parle de plus de vingt-cinq mille hommes « résolus de se bien battre, si l’on eût eu besoin d’eux. » Dubuisson-Aubenay (p. 104) mentionne aussi cette affaire, et décrit le convoi de bœufs et de moutons. Quelques jours auparavant (28 janvier), Paris avait reçu un convoi semblable, qui inspira à un pamphlétaire une curieuse pièce de vers héroï-comique, adressée à Scarron, et insérée par M. Moreau dans son Choix de Mazarinades, tome I, p. 109 et suivantes. Il parait qu’en ce temps, où pour ceux de Paris les bourgs de Chaillot et de Charenton étaient devenus places frontières, c’étaient les pourceaux qui abondaient le plus, ce qui fit manger aux Parisiens, dit une satire contemporaine (Variétés historiques, tome V, p. 10), bien des cochons en carême.
  3. Jacques Rouxel de Médavy, comte de Grancey, qui fut fait maréchal de France en 1651. Né en 1602, il mourut en 1680.