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NOTICE.

Les deux personnages les plus remuants de la Fronde en sont aussi les deux principaux historiens, Retz et la Rochefoucauld. En vain toutes sortes de rivalités ont divisé ces deux hommes ; les événements qui, dans leur vie, les ont autrefois séparés comme acteurs les rapprochent comme narrateurs aux yeux de la postérité. Tous deux, après avoir, sans profit, épuisé l’intrigue et l’ambition, ont enfin rencontré la gloire là où ni l’un ni l’autre, au début, ne l’avaient cherchée ; tous deux, hommes d’État fourvoyés, sont demeurés des écrivains accomplis. Il n’est pas jusqu’à la fortune de leurs Mémoires si divers qui ne prête à des rapprochements. Imprimés d’abord sur des copies inexactes ou clandestines, le livre de Retz et celui de la Rochefoucauld eurent le privilège d’exciter chacun au plus haut degré, bien que pour des causes différentes, la curiosité du public. Les Mémoires du Coadjuteur, qui paraissent en 1717, au lendemain des obsèques irrévérentes faites au grand Roi, trouvent la nation fatiguée d’obéissance et prête à reprendre goût, dans le présent comme dans les souvenirs du passé, aux intrigues séditieuses et à la rébellion. Les Mémoires de la Rochefoucauld, au contraire, publiés en 1662, dix ans seulement après la Fronde, trouvent tous les cœurs inclinés par la lassitude des discordes civiles vers le repos et la soumission, sous un règne nouveau. Les premiers, écrits à l’insu du monde et dans le mystère, éclatent pour ainsi dire à l’improviste, trente-huit ans après la mort de l’auteur, et réveillent soudainement toutes les passions. Les seconds, saisis, à demi éclos et avec toute sorte de mélange, sous la plume même du noble frondeur, sont publiés tels quels sous son nom ; ils n’en affriandent que davantage les contemporains par cette