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il s’était servi utilement de l’amitié et de la confiance particulière qu’elle avait pour une de ses sœurs, religieuse à Pontoise[1], et pour Montaigu, dont j’ai déjà parlé[2].

Cependant Mme de Chevreuse considérait tous ces retardements comme autant d’artifices du cardinal Mazarin, qui accoutumait insensiblement la Reine à ne lui pas accorder d’abord ce qu’elle désirait, et qui diminuait par cette conduite l’opinion qu’elle voulait donner dans le monde de son crédit. Elle témoignait souvent sa mauvaise satisfaction à la Reine, et dans ses plaintes elle mêlait toujours quelque chose de piquant et de moqueur contre les défauts personnels du cardinal Mazarin. Elle ne pouvait souffrir d’être obligée d’avoir recours à ce ministre pour obtenir ce qu’elle désirait de la Reine, et elle aimait mieux n’en recevoir point de grâces que de les devoir au Cardinal. Lui, au contraire, se servait habilement de cette conduite de Mme de Chevreuse pour persuader de plus en plus à la Reine qu’elle la voulait gouverner[3] : il lui disait que Mme de Chevreuse étant soutenue du duc de Beaufort et de la cabale des Importants, dont l’ambition et le dérèglement étaient si connus[4], toute l’autorité de la Régence passerait en leurs mains, et que la Reine se verrait plus soumise et plus éloignée des affaires que du vivant du feu Roi. Il supposa en même temps des lettres et des avis des alliés,

  1. La Mère Jeanne, supérieure du couvent des Carmélites.
  2. Voyez ci-dessus, p. 71, note 2.
  3. Comparez avec un passage des Mémoires de Mme de Motteville (tome I, p, 127-129) auquel, deux fois déjà, nous avons eu occasion de renvoyer.
  4. « Quatre ou cinq mélancoliques, qui avoient la mine de penser creux, » dit le cardinal de Retz en parlant de cette même cabale (tome I, p. 223).