Page:La Rochefoucauld - Œuvres, Hachette, t2, 1874.djvu/146

Cette page n’a pas encore été corrigée

me la donnait pas comme une récompense, mais seulement pour me faire attendre plus agréablement ce qu’elle voulait faire pour moi. Je sus que Mme de Hautefort prétendait cette charge pour un de ses frères[1] ; je suppliai la Reine de la lui donner, et de ne songer à m’établir[2] que dans ce qui serait utile à son service particulier.

Cependant Mme de Chevreuse commençait à s’impatienter : on ne faisait rien pour elle ni pour ses amis ; le pouvoir du Cardinal augmentait tous les jours ; il l’amusait par des paroles soumises et galantes, et il essayait même quelquefois de lui faire croire qu’elle lui donnait de l’amour[3]. Il lui parut d’abord moins difficile sur le retour de M. de Châteauneuf, qu’elle désirait ardemment : cette facilité venait sans doute de ce qu’il le croyait ruiné dans l’esprit de la Reine, et que Madame la Princesse[4] et la maison de Condé ne pourraient consentir à l’établissement d’un homme qu’ils accusaient de la mort du duc de Montmorency[5]. Il croyait encore qu’il suffisait de laisser agir Monsieur le Chancelier[6], qui était assez obligé pour sa propre conservation d’exclure M. de Châteauneuf, puisqu’il ne pouvait revenir à la cour sans lui ôter les sceaux. Le Chancelier avait pris toutes sortes de précautions auprès de la Reine pour éviter ce déplaisir, et

  1. Marie de Hautefort avait deux frères, ses aînés : l’un, Jacques marquis de Hautefort ; l’autre, Gilles, alors comte de Montignac, puis marquis de Hautefort (1680), qui continua la race.
  2. Et de ne m’établir. (1817, 26, 38.)
  3. Il paraît vraisemblable que d’abord le Cardinal essaya, pour tout de bon, de la gagner, ne la jugeant pas, dit la Châtre, p. 225, « entièrement ruinée, ni absolument inutile à sa fortune. »
  4. La belle Charlotte-Marguerite de Montmorency, mère du grand Condé, laquelle avait inspiré une si impétueuse passion à Henri IV.
  5. Voyez ci-dessus, p. 19, note 4. — Dans le manuscrit : Momorency, orthographe de prononciation.
  6. Seguier. Voyez p. 28, note 4.