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rien d’assez grand dans le Royaume pour me récompenser de ce que j’avais fait pour son service.

Le duc de Beaufort se soutenait par de vaines apparences[1] de crédit, et plus encore par cette opinion générale et mal fondée de son mérite et de sa vertu. La plupart de ceux qui avaient été attachés à la Reine s’étaient joints à lui ; j’étais de ses amis, mais je le connaissais trop pour l’être particulièrement. La cour était partagée, comme je viens de le dire, entre lui et le Cardinal, et on attendait que le retour de Mme de Chevreuse fît pencher la balance, par l’amitié que la Reine avait toujours eue pour elle ; mais je ne jugeais pas de son crédit si favorablement que les autres[2] : la Reine m’en parla avec froideur[3], et je vis bien qu’elle eût voulu que son retour en France eût été retardé. Elle me fit même beaucoup de difficulté[4] de la laisser revenir à la cour, après l’expresse défense que le Roi lui en avait faite en mourant ; elle me dit qu’elle l’aimait toujours, mais que, n’ayant plus de goût pour les amusements qui avaient fait leur liaison dans leur jeunesse, elle craignait de lui paraître changée ; qu’elle savait par sa propre expérience combien Mme de Chevreuse était capable de troubler par des cabales[5] le repos de sa régence. La Reine ajouta encore qu’elle revenait sans doute avec un esprit aigri de la confiance qu’elle prenait au cardinal Mazarin, et dans le dessein de lui nuire. Je lui parlai peut-être avec plus de liberté que je ne

  1. Espérances. (1817, 26, 38.)
  2. Voyez les Mémoires de la Porte, p. 404.
  3. M’en parloit. (1817, 26, 38.) — Dans notre manuscrit, les mots : m’en parla avec froideur, sont en interligne.
  4. Beaucoup de difficultés. (1817, 26, 38.)
  5. Les mots par des cabales, et un peu plus loin sans doute, et Mazarin, après cardinal, ne sont pas dans les éditions antérieures.