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je devais à ses bons offices, et je retournai à Verteuil sans voir la cour. J’y demeurai un temps considérable, dans une sorte de vie inutile, et que j’aurais trouvée trop languissante, si la Reine, de qui je dépendais, n’eût réglé elle-même cette conduite, et ne m’eût ordonné de la continuer, dans l’espérance d’un changement qu’elle prévoyait.

Ce changement ne devait toutefois[1] être prévu que par la mauvaise santé du Cardinal, puisque d’ailleurs son autorité dans le Royaume et son pouvoir sur l’esprit du Roi augmentaient tous les jours ; et même, dans le temps que le Roi partit pour aller faire le siège de Perpignan[2], il[3] fut sur le point d’ôter ses enfants à la Reine pour les faire élever au bois de Vincennes[4], et il ordonna, s’il venait à mourir dans le voyage, qu’on les remît entre les mains du Cardinal.

Les malheurs de Monsieur le Grand[5] fournirent alors

  1. Ce changement toutefois ne devoit. (1817, 26, 38.)
  2. Perpignan capitula le 29 août 1642, après trois mois de tranchée ouverte.
  3. Il, c’est-à-dire le Roi, comme le montre la suite de la phrase, et non le Cardinal, comme pourrait d’abord le faire entendre l’amphibologie de la construction.
  4. Vincennes n’était alors qu’un bourg. Le château avait été rebâti en 1183 sous Philippe Auguste, qui fît entourer le bois d’un mur, afin d’y mettre des bêtes fauves que le roi d’Angleterre lui avait envoyées. Le donjon ne date que du quatorzième siècle. Une nouvelle reconstruction du château, entreprise par Louis XIII, ne fut achevée qu’au commencement du règne de Louis XIV. Tous les contemporains parlent avec admiration de la futaie de charmes, d’ormes et de chênes, et surtout de la partie appelée le Bois de beauté, qui était située sur la colline regardant la Marne.
  5. Henry Coëffier de Ruzé, marquis de Cinq-Mars, favori de Louis XIII, appelé communément Monsieur le grand, parce qu’il était grand écuyer de France ; né en 1620, il fut décapité, à Lyon, le 12 septembre 1642, avec son ami de Thou. M. Avenel a publié sur cette conspiration célèbre, qui a inspiré un roman à Alfred