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compte de mes actions[1]. J’y obéis aussitôt, pour porter moi seul la peine de ce que j’avais fait, et pour n’exposer pas mon père à la partager avec moi si je n’obéissais pas.

Le maréchal de la Meilleraye[2] et M. de Chavigny, qui étaient de mes amis, avaient un peu adouci le Cardinal : ils m’avaient représenté, bien qu’il ne fût pas vrai, comme un jeune homme lié à Mme de Chevreuse par un attachement plus fort et plus indispensable encore que celui de l’amitié, et donnèrent envie au Cardinal de me parler lui-même, pour essayer de tirer de moi tout ce que je saurais[3] de cette affaire. Je le vis, et il me parla avec beaucoup de civilité, en exagérant néanmoins la grandeur de ma faute, et quelles en pourraient[4] être les suites, si je ne la réparais par l’aveu de tout ce que je savais : je lui répondis dans le même sens de ma déposition, et comme je lui parus plus réservé et plus sec qu’on n’avait accoutumé de l’être avec lui, il s’aigrit, et me dit assez brusquement que je n’avais donc qu’à aller à la Bastille. J’y fus mené le lendemain par le maréchal de la Meilleraye, qui me servit avec beaucoup de chaleur dans tout le cours de cette affaire et qui tira parole du Cardinal que je n’y serais que huit jours[5].

  1. Voyez encore le procès- verbal de l’enquête du président Vignier, dans Madame de Chevruse, p. 435.
  2. Charles de la Porte, marquis de la Meilleraye, puis duc et pair (décembre i663), cousin germain de Richelieu, né en 1602, mort en 1664. Il était grand maître de l’artillerie depuis 1634 ; il devint maréchal de France en 1639. Son fils épousa (1661) Hortense Mancini, et prit le nom de duc de Mazarin.
  3. Je savois. (1817, 26, 38.)
  4. Pouvoient. (Ibidem.)
  5. Chavigny avait recommandé à du Tremblay, gouverneur de la Bastille, frère du P. Joseph du Tremblay, le confident de Riche-