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charger si à contretemps de son passage en Espagne. Cette fuite[1], si surprenante dans un temps où les affaires de la Reine s’étaient terminées avec beaucoup de douceur, renouvela les soupçons du Roi et du Cardinal, et ils crurent, avec apparence, que Mme de Chevreuse n’aurait pas pris un parti si extraordinaire, si la Reine ne l’avait jugé nécessaire pour leur commune sûreté. Elle, de son côté, ne pouvait deviner la cause de cette retraite, et plus on la pressait d’en dire les raisons, et plus elle craignait que le raccommodement ne fût pas sincère, et qu’on n’eût voulu s’assurer de Mme de Chevreuse pour découvrir par sa déposition ce qu’on n’avait pu apprendre par la sienne. Cependant on dépêcha le président Vignier[2] pour informer de la fuite de Mme de Chevreuse : il alla à Tours et suivit la route qu’elle avait tenue, et vint à Verteuil, où j’étais, interroger mes domestiques et moi sur ce qu’on prétendait que j’avais enlevé Mme de Chevreuse, et que je l’avais fait conduire dans un royaume ennemi. Je répondis, conformément à la vérité, que je n’avais point vu Mme de Chevreuse, que je n’étais point responsable d’un dessein qu’elle avait pris sans ma participation, et que je n’avais pas dû refuser à une personne de cette qualité et de mes amies[3] des gens et des chevaux qu’elle m’avait envoyé demander ; mais toutes mes raisons ne m’empêchèrent pas de recevoir[4] un ordre d’aller à Paris pour rendre

  1. Cette affaire. (1817, 26, 38.)
  2. Du parlement de Metz, un des agents les plus sûrs du Cardinal. Vignier interrogea successivement l’archevêque de Tours, le lieutenant général de Tours, Georges Catinat, également ami de Mme de Chevreuse, la Rochefoucauld et ses domestiques, particulièrement Thuillin et Malbasty. Tout le détail de son enquête se trouve dans V. Cousin, Madame de Chevreuse, Appendice, p. 431 et suivantes.
  3. Et de mes amies n’est pas dans les éditions antérieures.
  4. N’empêchèrent pas qu’on ne m’envoyât. (1817, 26, 38.)