Page:La Rochefoucauld - Œuvres, Hachette, t2, 1874.djvu/100

Cette page n’a pas encore été corrigée

priai Craft[1], gentilhomme anglais, de ses amis et des miens, de l’avertir de ma part qu’on m’avait défendu de la voir, et qu’il était nécessaire qu’elle envoyât un homme sûr, par qui je lui pusse mander ce que je n’osais lui aller dire à Tours. Elle fit ce que je désirais, et elle fut informée de tout ce que la Reine avait dit au Chancelier, et de la parole qu’il avait donnée à la Reine, qu’elle et Mme de Chevreuse seraient désormais en repos, à condition de n’avoir plus aucun commerce ensemble.

Cette tranquillité ne leur dura pas longtemps, par une méprise bizarre, qui replongea Mme de Chevreuse dans des disgrâces qui l’ont accompagnée pendant dix ou douze ans, et qui ont causé les miennes particulières, par un enchaînement d’accidents que je n’ai pu éviter. Pendant que Monsieur le Chancelier interrogeait la Reine à Chantilly, et qu’elle craignait le plus le succès[2] de cette affaire, elle craignait aussi que Mme de Chevreuse ne s’y trouvât embarrassée ; et Mlle de Hautefort était con-

  1. Craf dans les éditions antérieures ; il y a Crafst dans notre manuscrit. — Le comte Guillaume Craft avait été envoyé en France par le roi et la reine d’Angleterre, avec lord Montaigu, dont il sera question plus loin. L’un et l’autre passèrent à Paris la fin de l’année 1634 ; puis ils allèrent successivement consoler en Touraine la duchesse de Chevreuse, qui avait déjà fait leur conquête à Londres en 1625 : Craft était alors page de la reine Henriette-Marie. V. Cousin parle assez, longuement de ce galant gentilhomme dans Madame de Chevreuse (p. 115 et suivantes), et donne de curieux extraits de lettres passionnées que Craft, après son départ, adressa de Calais et de Londres à la belle exilée. Gourville le mentionne dans ses Mémoires (p. 369 et 370), à la date de 1663 : « Je trouvai aussi en ce pays-là (eN Angleterre) le milord Craff, qui avoit été fort des amis de M. de la Rochefoucauld à Paris, et à qui j’avois même prêté quelque argent, qu’il m’avoit rendu depuis le rétablissement du Roi. Le milord Craff nous mena à une très-jolie maison de camPague qu’il avoit à dix milles de Londres, sur le bord de la Tamise. »
  2. Le succès, l’issue, comme plus haut, p. 13, ligne 24.